Le planeur

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3/ Histoires - Michel Bouillol 2
Les deux vies du BN

Quelques 200m sous le croix du Nivolet, le gros Sikorsky H34 est en vol stationnaire. Parfaitement immobile sur un fond de sapins, sa peinture verte le rend peu visible; Mais le vacarme assourdissant qui sort de ses flancs ne peut laisser ignorer sa présence. Sous l’hélicoptère pend une élingue métallique dont l’extrémité disparaît dans la forêt. Le bruit augmente soudainement quand le pilote mets les gaz et tire sur le pas collectif. Doucement, le H34 commence à s’élever; L’élingue se tend, et 2 ailes de planeur, toutes blanches, émergent des sapins. Attachées l’une à l’autre, les deux ailes pendent mollement à 20m sous l’hélicoptère. Lentement, le pilote éloigne son engin de la paroi. Manifestement, l’opération d’hélitreuillage est un succès.  C’est le cas, du moins, jusqu’au moment où le pilote constate que les ailes viennent de s’animer d’un mouvement de balancier qui, s’amplifiant à chaque seconde, risque de provoquer une collision entre l’hélicoptère et sa charge. Dès lors, trop éloigné du sol pour se reposer rapidement, il ne reste plus au pilote qu’une solution.  Les observateurs, atterrés, voient alors l’élingue se détacher du ventre du H34. Instantanément, les 2 ailes se séparent et, en décrivant de superbes arabesques,viennent s’écraser dans la forêt.

Le Fauconnet BN vient de mourir une première fois...

Le planeur avait décollé en début d’après-midi aux mains de Mr.Ickxe.  Ce dernier, colonel de son état, dirigeait la base aérienne de Chambéry. Je précise pour les jeunes lecteurs, que les locaux actuels de Technolac abritaient, au temps jadis, une flopée d’hélicoptères en uniforme. Sonores et polluants, ces gros frelons tout verts furent terrassés dans les années 80 par une légion de restrictions budgétaires. Leur départ fut un grand soulagement pour les riverains qui étaient las de voir interpréter « Apocalypse Now » tous les jours (sauf sa-di et jf) au raz de leurs fenêtres. Mon colonel, donc, ce jour-là, astiquait la pente entre le Nivolet et le chalet du Sire. Comme c’était mou, il volait lentement. Sans être franchement vicieux, le Fauconnet n’aimait pas les badins comateux; Surtout si la bille s’éloignait un tant soit peu du milieu. Lorsque cette situation se présentait, le planeur avait une réponse toute prête: Il partait en autorotation du côté où la bille n’était pas...
pour l’avoir un instant oublié, notre militaire volant se trouva brutalement transformé en fantassin. Il y a malgré tout, un intérêt à voler lentement. En cas d’impact, on ne se fait pas trop mal. Ce fût le cas. Le planeur, à part quelques petits trous dans la toile, était pour ainsi dire intact. Quant au pilote, sa seule cicatrice se situait au niveau de l’amour-propre. Mais, perdre une bataille n’est pas perdre la guerre, et, à peine redescendu dans la vallée, notre militaire fit donner le clairon et dépêcher sur place une force d’intervention hélicoptée. Il était urgent de retirer cette croix blanche qui, bien visible de la base, trônait dans la montagne. La suite, hélas, vous est connue. Notre colonel eut cependant la double sportivité de faire reconstruire le Fauconnet à la base aérienne, et de ne pas le repeindre en vert. C’est donc avec un BN tout neuf et toujours blanc que je vous invite à poursuivre cette aventure.
 

Quelques années plus tard, le 18 juin 70 pour être précis, le BN s’envole en début de journée, destination Annecy. Motif du déplacement: épreuve de 50 bornes. La journée paraît prometteuse. Dès le matin, de nombreux cumulus ont envahi le ciel et, en ce début d’après-midi, ils sont même tellement nombreux que leurs bases noires cachentla plupart des montagnes. Plus haut, dans le ciel, d’énormes boursouflures se hissent jusqu’aux limites de la stratosphère. Comme le disait le chef de l’époque, en envoyant le Fauconnet:

 « Vas-y José, c’est vachement bon ».
 
Et effectivement, c’est « vachement bon » puisque, à peine
largué, le planeur disparaît à nos yeux ébahis, littéralement aspiré par les volutes
grisâtres. Sur ces entrefaites, une série d’éclairs accompagnés de grondement
sinistres viennent apporter un bémol à l’enthousiasme général. Le doute s’installe,
et le temps s’étire. Cet après-midi n’en finit plus. les averses sont devenues
abondantes et, au Nord du terrain, dans un ciel aux reflets bleus acier, les éclairs
se succèdent à un rythme soutenu. Vers 18h, les orages se sont enfin éloignés,
laissant place à un temps uniformément gris et couvert. La brise est tombée.
L’air est immobile. Insidieusement, l’ennui s’infiltre dans les hangars humides.
Dans l’attente de nouvelles en provenance d’Annecy, le chef vient une
fois de plus de regarder sa montre. C’est alors que se produit un fait apparemment
anodin. Une automobile vient de se garer le long de la barrière. La portière avant
droite s’ouvre et, à ma grande surprise, je vois descendre José, le pilote du
Fauconnet. Il ouvre le coffre du véhicule, extrait un parachute, vient remercier le
chauffeur et s’avance lentement vers le chef. L’air a pris cette pesanteur qui
précède les grandes catastrophes.
« Mais... José, qu’est’s t’a foutu du Fauconnet ? »
« Ben, euh,...j’me suis posé « au » Semnoz, et je crois que le fuselage
est « un peu tordu » ». L’expérience prouvera plus tard que « au » signifiait
« à l’intérieur du » et que « un peu » ne reflétait qu’une infime partie de la réalité.
La conversation ne m’arrivait que par bribes et je jugeais que dans ce
moment de grande détresse, il était prudent de garder une certaine distance.
A cette époque tourmentée, les engueulades arrivaient plus vite que les félicitations !
Je vous livre ici, tel que j’ai pu le reconstituer par la suite, l’enchaînement des faits
ayant conduit à l’irréparable.
Tout avait bien commencé. Collés au plafond, le pilote et son Fauconnet
fonçaient à toute vitesse vers le Semnoz et les 50 bornes. Soudain, par le travers
du Pont de l’Abîme (un nom, ô combien prémonitoire !) un nuage plus gros et plus
noir que les autres, décida de gober le Fauconnet. Surpris, le pilote sortit les
aérofreins. Vu la totale inefficacité du dispositif, cette action n’apporta aucun
changement notable à la situation, et le planeur continua de grimper à l’intérieur
du nuage d’orage. La pluie, qui tombait drue, fit place à de la grêle. Ballotté dans
tous les sens, le pilote en perdition vit l’altimètre grimper jusqu’à 2700m. Là, le cours
des événement s’inversa et une descente vertigineuse s’amorça. vers 1200m, le
pilote distingua de nouveau le sol, au milieu des trombes d’eau. Avisant une tâche
verte, il y dirigea tant bien que mal le Fauconnet.
Le contact avec le sol s’effectua vers 1100m. un peu fatigué par
l’atterrissage, José, son parachute sur le dos, partit dans la ligne de plus grande
pente à la recherche de la civilisation. Celle-ci se présenta sous la forme d’un
automobiliste complaisant qui accepta de ramener le pilote au bercail. Le lendemain
matin, je suis assis à l’arrière de la DS21 présidentielle, aux côtés de Jean-François V.
de St Alban (73). Terrorisés par la vitesse, nous essayons mutuellement de nous
remonter le moral. Le président de l’époque, un certain Pierre G., dentiste à
Chambéry (73), nous conduit à tombeau ouvert sur la petite route du Semnoz.
Il a, paraît-il, un rendez-vous ce soir. Au train où vont les choses, ça risque d’être
un rendez-vous avec le Bon Dieu !
A ma grande surprise, nous sommes toujours vivants en atteignant
l’hôtel du Semnoz, terminus de la route, où un brouillard tenace réduit la visibilité
à une trentaine de mètres. Deux gendarmes débonnaires nous attendent afin
d’effectuer l’inévitable constat. Et, bien entendu, ils posent là question que tout
le monde redoute: « Au fait, il est où, ce planeur ? » Brutalement très affairés,
nous abandonnons le pilote qui se lance dans un descriptif de la situation.
« Heu, ben, justement,... Alors voilà, comme y faisait pas bien beau... Mais je
crois bien qu’en remontant un peu... ou alors en descendant... En tout cas,
c’est au Semnoz, ça j’en suis sûr. » Ces explications limpides permettant une
localisation rapide du Fauconnet, nous nous engageons dans les nuages, sur le
plateau du Semnoz. Cap au Sud, nous suivons un vague chemin qui mène à...
Enfin, qui conduit sûrement quelque part. Nous restons prudemment à portée
de voix les uns des autres. Au bout de 2h d’errance, le chemin commence à
descendre et nous sortons enfin de la couche nuageuse. La progression
devenant alors plus facile, nous abandonnons le chemin pour nous diriger vers
le tombant Ouest de la montagne. Et le miracle se produit: Cent mètres en
contrebas, au coeur d’une petite clairière, il est là !
Dès le premier coup d’oeil, je suis atterré par l’allure générale du
planeur. Les ailes, en accent circonflexe, font un angle surprenant avec un
fuselage devenu sinueux et qui semble s’être tassé sur lui-même. Vu de loin,
le Fauconnet ressemble un peu à un batracien.
Quelques minutes plus tard, accoudé au fuselage, je compare,
perplexe, les dimensions du planeur à celles, à peine supérieures, de la
clairière et je m’interroge quant à la manoeuvre d’atterrissage. D’autant que
le nez du planeur est dirigé vers le bas de la pente. C’est en découvrant la
gouverne de profondeur accrochée à la cime d’un arbre, devant le Fauconnet,
que je saisis la hardiesse de l’évolution. Le coup fut joué en trois bandes.
Premièrement: La profondeur agrippant le feuillage fait office d’ancre
et provoque une deccélération quasi-instantanée.
Deuxièmement: L’aile gauche heurte la cime d’un arbre, assurant
un mouvement rotatif qui positionne le planeur dans le périmètre de la clairière.
Troisièmement: Un tas de bois mort judicieusement placé vient amortir
la prise de contact avec le sol. il semble cependant que le dernier coup n’ait été
qu’un demi-succès, car le lendemain, le pilote marche penché en avant avec une
main sur les reins...
Les vestiges du planeur furent promptement démontés, et le chemin
de croix des dépanneurs commença. Je pense, ce jour-là, avoir gagné une partie
de mon paradis, car il nous fallu remonter l’épave de 400m (lus à l’alti du planeur)
avant de rencontrer un engin de débardage. Le conducteur, compatissant,
accepta de charger le Fauconnet.
Je voudrais ici accorder une mention spéciale aux deux gendarmes qui
portèrent l’aile droite jusqu’à son chargement sur l’engin, nous évitant ainsi
un aller-retour supplémentaire. Depuis ce jour, je crie « Mort aux vaches » un peu
moins fort.
Le retour vers l’hôtel du Semnoz fut un peu mélancolique. perdus dans
le brouillard, nous suivions en silence l’énorme 4x4. Le Fauconnet, attaché en
travers sur l’engin, semait à chaque cahot du mauvais chemin quelques larmes de
contre-plaqué.
En arrivant au terrain, l’épave fut immédiatement débarquée dans l’atelier.
Le verdict de l’expert fut sans appel: « Il est foutu... »

 


Le BN venait de mourir pour la deuxième et dernière fois.

 


 
Michel Bouillol

 

Récit tiré de « ALBERT » la gazette de challes les eaux.

N°17 de 1997


Date de création : 12/11/2008 - 10:21
Dernière modification : 12/11/2008 - 10:23
Catégorie : 3/ Histoires
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